Inauguration de l’allée Louis Pierre Boudey à Loupiac, le 30 avril 2016.

Noté le 17 mai 2016

Samedi 30 avril, une soixantaine de personnes, dont de nombreux anciens combattants, a répondu à l’invitation de la municipalité. Une belle cérémonie en hommage à un jeune loupiacais dont le nom ne doit plus jamais sortir de la mémoire du village. Avant de dévoiler la plaque de l’allée Louis Pierre Boudey, , M. le Maire a retracé avec beaucoup d’émotion sa courte vie et celle de sa famille et amis.
Remerciements
Merci à Jacques Brisset de Mémoires de Cadillac pour toutes ses recherches patientes, précises, éclairantes et surtout totalement bénévoles.
Merci à M. Costa pour l’entretien de la plaque Louis Pierre Boudey visible au cimetière sur le caveau familial.
Merci aux anciens combattants et porte drapeaux.
Merci aux élus de Loupiac qui ont participé à la réussite de cette cérémonie.
Merci enfin à Mme et M. Nagiscarde pour leur précieuse présence.


Discours du Maire, Lionel Chollon

Messieurs les anciens combattants,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur et Madame Nagiscarde de Monclar d’Armagnac,
Monsieur Brisset de « Mémoires de Cadillac »,
Chers Loupiacaises, chers Loupiacais,

Nous sommes à Loupiac, ce samedi 30 avril, pour rendre hommage à Louis Pierre Boudey, né le mercredi 20 décembre 1922 dans la maison familiale au Plapa et malheureusement mort en déportation, au camp de concentration de Dora Ellrich (Allemagne), le 2 février 1945, de tuberculose pulmonaire. Il était arrivé le 29 janvier au camp de Buchenwald. Il avait été tatoué du N°44743.
Dans quelques minutes, nous allons découvrir la plaque qui ravivera dans le village la mémoire de ce jeune garçon né le 20 décembre 1922 à 1 heure 30, à Loupiac, 2 route de la mairie, au village du Plapa (Gironde) où il résidera jusqu’à son départ, en 1939, à l’École Normale d’Auch dans le Gers.
Jusqu’à aujourd’hui, son nom pouvait seulement être lu sur le monument aux morts, parmi les victimes de la guerre 39-45, sans précision sur les causes de sa mort et sur une plaque, récemment restaurée par M. Costa, placée sur le caveau familial au cimetière de Loupiac. Le Conseil municipal a estimé depuis plusieurs années que ce n’était pas suffisant et qu’une rue ou une allée méritait de porter son nom. Voilà qui va être fait.
Louis Pierre Boudey était un enfant du village...Si l’origine de sa famille se situe du coté de Roaillan, son arrière-grand-oncle, Jean Boudey dit Chéri, est déjà domestique, en 1881, chez Bernard Boré au Plapa. Vers 1906, un regroupement familial s’opère, la famille travaille pour Charles Coiffard jusqu’à la veille de la guerre 14-18.

Son père Jean, dit Georges, né en 1892 à Roaillan (Gironde) et son oncle Louis, né en 1890, participeront à la première guerre mondiale. Georges sera blessé grièvement le 4 mai 1916. Pour ce fait, il a été décoré de la Croix de Guerre avec étoile de bronze.
Louis, son oncle, a quitté le domicile familial en 1917 et fondé un foyer à Sainte-Croix-du-Mont, avec Blanche Catherine David. Ils résident au Peyrat.
Georges Boudey, dégagé de ses obligations militaires, se marie le 29 novembre 1919 à Sainte-Croix-du-Mont avec Marie Delas, native de ladite commune. Le couple s’installe à Loupiac au Plapa. Avec son père Jérôme, ils sont cultivateurs métayers chez la veuve Coiffard.

L’instituteur

Nous n’avons pas trouvé, à ce jour, de document relatif aux premières années de sa vie, mais, dans un discours prononcé le 7 février 1946, Rolland Pouvereau évoque « l’ancien élève de nos écoles communales ».

Il fréquente l’école du bourg, côtoie l’un des instituteurs, M. Henry Martin, puis il inaugure en 1933 la nouvelle école publique transférée à Bertoumieu, dans l’ancien château Promis. Après sa scolarité à Loupiac, il rentre à l’École Primaire Supérieure de Cadillac.

Dans cette période, des événements importants vont intervenir dans la vie de Louis Pierre. Sa mère décède en 1932. Son père se remarie en 1935 avec Marie Trigaud, de Sainte-Croix-du-Mont, et son grand-père Jérôme Boudey meurt la même année.
En 1939, il quitte le foyer familial pour intégrer l’École Normale d’Auch dans le Gers. Comme le soulignait Rolland Pouvereau, « Pierre Boudey par son intelligence, son sérieux, son travail, sa constance » avait rejoint « le corps enseignant de nos écoles publiques » .et un avenir brillant l’attendait.
Malheureusement, le voilà rattrapé par la guerre.
Les troupes allemandes envahissent la Pologne sur tous les fronts le 1er septembre 1939 à 4h45 du matin et la France déclare la guerre le 3 septembre, soit moins d’un mois avant sa première rentrée, le 1er octobre, à l’École Normale. Louis Pierre Boudey y retrouve André Demey, de Saint Pierre d’Aurillac. Ils ont fait un parcours commun à l’École Primaire Supérieure de Cadillac.
Le 25 juin 1940, la ligne de démarcation est instaurée. Afin de pallier aux difficultés pour franchir cette ligne qui le sépare de sa famille, Louis Pierre Boudey accomplit sa 2e année de formation à l’École Normale de Bordeaux. Il accomplit un stage de formation professionnelle du 5 au 24 janvier 1942 à l’École Mixte de Cardan, sous la conduite de l’instituteur Jean Geoffre.
À la rentrée d’octobre 1942, Louis Pierre Boudey est nommé, à titre provisoire, instituteur stagiaire dans le Gers, à l’école publique de Monclar d’Armagnac.
Il effectue son premier jour de classe le 21 octobre 1942. Il prend pension dans le village chez M. et Mme Glize, au lieu-dit Bidaou. Lors d’une évaluation en son école, le 18 décembre 1942, Mme Autefage, inspectrice primaire, souligne que « M. Boudey en a modifié l’atmosphère ». Il est nommé titulaire de son poste le 15 mars 1943.

Le réfractaire au S.T.O.

Malheureusement, le gouvernement de Vichy, par une loi du 16 février 1943, instaure le Service du Travail Obligatoire pour les jeunes gens nés en 1920, en 1921 et en 1922. De la classe 1942, il est concerné par cette loi.
Louis Pierre Boudey, comme beaucoup de jeunes de l’époque, se trouve confronté à un choix décisif. Accepter le STO ou entrer en clandestinité, ce qu’il fait le 15 mars 1943. Le voilà réfractaires au S.T.O. ll trouve refuge dans la forêt de Ponsampère où il rejoint un maquis, le Corps Francs Pommiers sous les ordres du Lieutenant Miler. Il reçoit de nouveaux papiers au nom de Pierre Bordère. Il est né à Alep, en Syrie. Dans ce maquis, il retrouve des anciens militaires démobilisés, des jeunes comme lui. Jean Dulhoste, par exemple, son meilleur ami qui est fils d’un artisan menuisier de Cazaubon, le village d’à coté. Afin de justifier leur présence lors de contrôles de la Gestapo, ils sont affectés à des travaux forestiers. La vie n’est pas toujours drôle, l’alimentation pas toujours assurée. Surtout, la menace de la dénonciation plane constamment sur leur vie. Ils commettent des imprudences liées à leur jeunesse comme aller parfois à un bal.
Son ami Jean Dulhoste quitte le chantier. Ils se retrouveront quelques mois plus tard à Nogaro où un chef de la résistance leur a trouvé du travail. Pierre Boudey indique à son ami qu’il veut dire au revoir aux membres du camp. Il s’y rend en car.
Malheureusement, c’est le moment où la gestapo passe à l’action. Le 14 décembre 1943, « l’opération de minuit », au château de Cours à Ponsampère (Gers), est lancée. Les hommes sont arrêtés, torturés sur place. Ils sont transférés à la prison Saint-Michel de Toulouse, puis internés jusqu’au 26 janvier 1944 au camp de Royalieu, à Compiègne (Oise). C’est le début du voyage vers l’enfer.
Le 27 janvier 1944, il est déporté vers l’Allemagne depuis Compiègne par le convoi I.173, avec Adalbert Cozette, Fernand Desliens, Raymond Denizot, André Drancourt, Robert Fuchslock, arrêtés avec lui à Ponsampère. Aucun de ces déportés ne survivra. Louis Pierre Boudey est affecté en Kommando de travail au camp de Dora d’Ellrich pour le creusement de galeries souterraines. Dans ces commandos de travail, la vie y était très pénible en raison de la fatigue, du manque de nourriture, du manque de sommeil. Les malades, dans l’incapacité de travailler, étaient sans vêtements ni chaussures au plein cœur de l’hiver, par un froid de - 20°.
Louis Pierre Boudey décède à l’infirmerie, après un an de calvaire et de souffrance et, j’espère, d’espoir. Espoir de la défaite de l’ennemi nazi (avait-il eu écho du débarquement ?), espoir de retrouver son père, les beaux paysages de son enfance, ses amis du Gers, ses élèves dans un pays de nouveau libre et démocratique. Ces espoirs se seront éteints un 2 février 1945...quelques mois avant la libération du camp.
On peut imaginer la douleur d’un père quand il écrivit cette réponse à l’académie du Gers qui nommait son fils à la rentrée d’octobre 1945... 
Son acte de décès a été dressé par le Ministère des anciens combattants et victimes de guerre le 10 septembre 1946, mais, dès le 7 février 1946, une cérémonie à l’église et au monument aux morts de Loupiac fut organisée en mémoire de Pierre Boudey. Les hommages de Rolland Pouvereau et de Maurice Fouquet, maire, furent poignants comme le souligne le journal Sud-Ouest.
Rolland Pouvereau s’exprime ainsi : « Si , par hasard, nous devions douter et faiblir dans le combat difficile que nous devons mener contre la folie des hommes, que ce martyr de vingt ans, forge nos volontés et dicte nos devoirs ! »
La « Nation » a honoré Louis Pierre Boudey, le déclarant « Mort pour France », en accordant le « Titre de déporté résistant », la mention « Mort en déportation ». Il est aussi décoré à titre posthume de la « Médaille de la résistance, de la Croix de Guerre 39-45 avec palme et de la Médaille Militaire avec citation ».
Je dois ici remercier la commune de Monclar d’Armagnac qui a posé une plaque au nom de Louis Pierre Boudey sur la porte de la mairie, après la libération, où son père, mort en 1975, ira se recueillir de nombreuses années, allant à la rencontre de personnes ayant connu son fils, comme la famille Nagiscarde ici présente.
Louis Pierre Boudey était aussi honoré à Castelnau-Magnaoc dans les Hautes Pyrénées, à Ponsampère dans le Gers. Je suis fier et heureux que son village de Loupiac lui rende enfin l’honneur qui lui est dû en donnant son nom à une rue qui dessert la nouvelle école, ce qui est un double hommage, à son courage et à la carrière professionnelle à laquelle il était destiné. La guerre, la folie des hommes l’en auront privé. Que le témoignage de son martyre rappelle chaque jour la valeur de la paix entre les peuples.
Je vous remercie.

Une minute de silence, la Marseillaise et le chant des partisans ont conclu la cérémonie.

Mairie de Loupiac

Berthoumieu - 33410 Loupiac
Tél. : 05 56 62 99 62